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LES CARESSES


Je crois profondément que l’âme, au corps fidèle,
Naît, vit, et meurt avec lui.
Quand la flamme de vie a fondu la chandelle,
Je crois que plus rien ne luit.

Je ne puis concevoir le paradis ni l’ange,
Ni le bon Dieu qu’on rêva.
Je crois à la matière, à qui le ver qui mange
Rend l’être mort qui s’en va.

S’il existait pour moi, ce Dieu, c’est un blasphème
Qu’à son trône j’enverrais.
Car il n’est qu’un bourreau, s’il ordonne qu’on aime
Et qu’on se sépare après.

Oh ! oui, femme fervente, oh ! oui, je vous envie
De croire qu’il nous entend.
Car je pourrais lui dire en lui crachant ma vie :
« J’ai souffert. Es-tu content ?

J’ai souffert, et mes cris n’ont pas troublé ton somme.
Et pourtant tu m’entendis.
Tu peux t’appeler Dieu ; moi, je ne suis qu’un homme
Et c’est moi qui te maudis. »

Mais je sais qu’il n’est point. Je n’aurai pas la joie
De courir ce beau danger.
Je sais qu’à des hasards sans nom je suis en proie,
Et sans pouvoir m’en venger.