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nivôse


Je crois avoir donné pourtant tout ce que j’ai.
Il eut toutes les clefs sans aucune défense.
Je ne ménageais rien pour qu’il fût hébergé
Comme un ami d’enfance.

Il mangeait à son gré, buvait comme un sonneur,
Autant qu’il en voulait, de mon vin délectable.
Je le faisais asseoir à la place d’honneur
Au bon bout de la table.

Je lui laissais cueillir mes roses à foison.
Je le menais chasser au bois et sur la lande.
Il couchait dans le plus beau lit de la maison,
Dans mes draps de Hollande.

Mais il faut bien le dire aussi, comme un marmot
Je me levais parfois grincheux, l’humeur mauvaise,
Et je restais des jours entiers sans souffler mot,
À bouder sur ma chaise.

Ma jalousie avait des désirs exigeants.
Il jurait de n’aimer que moi seul ; mais n’importe !
J’étais en rage quand il parlait à des gens
Sur le pas de la porte.

Comme il me répondait par un rire moqueur,
J’excitais contre lui mes colères malsaines ;
Je l’appelais ingrat, oublieux, mauvais cœur ;
Je lui faisais des scènes !