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nivôse


Et c’est en chantant des chansons
Comme un oiseau dans le bocage,
Sans peur, sans regrets, sans frissons,
Que nous pénétrons dans sa cage.

La tigresse, en effet, pour nous
Oublie un instant sa colère.
Elle vient, douce, à nos genoux,
S’étonne, renâcle et nous flaire.

Elle sent comme un vague effroi
En comprenant ce que l’on ose,
Et met sur la main de son roi
Le baiser de sa langue rose.

Humble, elle allonge sous nos pieds
Sa souple échine qui se courbe.
Mais nos gestes sont épiés
Par un regard chargé de fourbe.

Ô béte, je te vois encor,
Quand ta verte prunelle oblique
Me jetait dans un éclair d’or
Une menace famélique.

J’aurais dû sentir le danger ;
Car tu crispais tes griffes noires,
Et le désir de me manger
Te faisait grincer les mâchoires.