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CARNAVAL

Ce n’est pas dans un cimetière,
Où, sous l’if sinistre et tremblant,
Les tombeaux font une litière
De dominos, tous double-blanc ;

Ce n’est pas au son d’une flûte
Apre et piquante comme un crin.
Qui sautille, agonise et lutte
Contre un rire aigre de crincrin ;

Ce n’est pas à minuit, à l’heure
Où la vieille Nature en deuil,
Le nez dans son mouchoir, y pleure
Et se met du tabac dans l’œil ;

Ce n’est pas sous la lune, veuve
Qui n’a plus même un cheveu gris
A son vieux crâne en pipe neuve
Toul plaqué de poudre de riz ;

C’est sous le ciel clair comme un sabre,
Dans des fanfares de réveil,
Que j’ai vu la danse macabre
Tourbillonner en plein soleil ;