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SONNETS AMERS

XXIV

ALORS ?


Si les doux souvenirs d’enfance, si les larmes
Exquises de l’amour, si l’orgueil du devoir,
Si le désir furtif de voler le savoir,
Si l’âpre volupté de la lutte et des armes,

Si le sommeil épais, ignare, exempt d’alarmes.
Si le bonheur d’avoir des yeux pour ne point voir,
Si le rire, si rien enfin n’a de pouvoir
Sur nos cœurs, si la mort elle-même est sans charmes,

Si nous allons toujours de tourments en tourments,
À la fois dégoûtés de tout, de tout gourmands,
Affamés et bavant sur la table servie,

Si le néant ne peut nous consoler non plus,
Alors, que devenir, où se prendre à la vie,
Et faut-il donc se fondre en des pleurs superflus ?