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LES BLASPHÈMES

XIX

LA SOIF DE QUOI ?


Et quand j’aurai comblé mes vœux à mon loisir.
Quand j’aurai tout goûté, vertu, passion, vice,
Quand mon esprit blasé ne sera plus novice
Devant aucun remords, devant aucun plaisir,

Quand je ne saurai plus rien de neuf à saisir.
Rien qui m’illusionne et rien qui me ravisse,
Quand tous les imprévus seront à mon service,
Croyez-vous que mon cœur n’aura plus de désir ?

Hélas ! faites de moi la Force Souveraine
Sachant jouir de tout sans qu’un dégoût la prenne,
Que mes vœux pour esclave aient l’absolu pouvoir,

Et, sûr d’être obéi quelque rêve que j’ose,
Je serai las de tout avant de rien avoir.
Et, sans savoir de quoi, j’aurai soif d’autre chose.