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LES BLASPHÈMES

XV

VERS LE MYSTERE


Donc, il faut demeurer ici, pauvre grison
Forcé de paître dans le cercle de ta longe.
Sans doute les chardons en fleurs où ton nez plonge
Sont doux, et doux aussi les baisers de Lison ;

Mais tu n’en es pas moins à l’attache, en prison ;
Et quand la corde pèse à ton jarret qui flonge,
Mélancoliquement tu brais, ton col s’allonge,
Et ton regard mouillé se perd à l’horizon.

Que vois-tu, qu’aimes-tu parmi ces lointains vagues
Où vogue un soleil d’or qui fend de vertes vagues ?
Tu n’en sais rien. Tu sais que tu voudrais partir.

Et nous aussi, captifs au cercle de la terre,
Quelques biens que le sort puisse nous départir,
Nos yeux désespérés pleurent vers le mystère.