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SONNETS AMERS

XII

LE HALEUR


Oui, la mort est une arche au sein de ce déluge.
Ciomme dit la chanson, une fois là dedans
C’est pour longtemps, on est exempt du mal de dents,
De ta potence et du carcan. C’est un refuge.

Pourtant, ne plus avoir mon cri dans le grabuge,
Ne plus lutter avec les mystères grondants
Du monde, dont les lois, les faits, les accidents,
Tremblent, obscurs, devant mon œil clair qui les juge ;

Avouer ma défaite et coucher au cercueil
Ce moi si fier, armé d’un indomptable orgueil ;
Non, je ne puis ! Fuyons cette porte d’auberge !

Haleur de l’infini, je haie jusqu’au bout,
Et, quand viendra mon tour de tomber sur la berge,
Je veux mourir dans un dernier effort, debout.