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LES BLASPHÈMES

V

AMOURS PURS


Ainsi que sur un trône un empereur s’installe,
Quand arrive l’Amour dans le cœur des amants,
Il s’assied, cuirassé d’or et de diamants,
Et tout ensoleillé de pourpre orientale.

Mais cette Majesté bientôt devient brutale.
Il gueule, il bâfre, il boit de grands pots écumants,
Tant qu’il se soûle, et jette enfin ses vêtements,
Et dans ce cœur, ainsi que dans un lit, s’étale.

Puis ce monarque altier, cet ivrogne lougueux,
S’en va le lendemain, sale et nu comme un gueux.
Crever hideusement au coin de quelque borne.

Et le cœur qui fut lit, et trône, et presque autel,
Reste à jamais souillé, délabré, flasque et morne,
Semblable au canapé d’une chambre d’hôtel.