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LES BLASPHÈMES

La vieille Gigogne éternelle
Sur sa bedaine maternelle
N’a pas encor croisé ses bras.
N’espère pas que, lèvres closes,
Dans la mort jamais tu reposes.
Au milieu des métamorphoses
Immortellement tu vivras.

Rien ne repose. La matière
N’a pas un point qui soit en paix.
Elle est en proie, et toute entière,
Vie, à toi qui t’en repais.
La Vie implacable et moqueuse
Nous enlace et nous tient, la gueuse,
Et nous fait en ronde fougueuse
Danser des galops essoufflants.
Ce n’est pas la Camarde glabre
Qui conduit la danse macabre ;
C’est une fille qui se cabre,
Le sang aux yeux, le rut aux flancs.

Passez, valsez ! La ronde immense
Tourne sans bords et sans milieu,
Ainsi qu’une roue en démence
Ayant pour cercle son moyeu.