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LA VIE

Un flocon de la vaste nue,
Une vapeur qui flotte au vent.
Elle s’étend, se perd, s’efface ;
Tu crois qu’il n’en reste plus trace ;
Mais dans tous les coins de l’espace
Est un lambeau d’elle, vivant.

Mort apparente et transitoire !
Tu la croyais morte, et voici
Qu’elle revit. C’est notre histoire :
De morts la vie est faite ainsi.
Chaque instant est un grain qu’on sème.
Tout devient tout. Et qui sait même,
Quand on veut, qu’on pense, qu’on aime,
Si le mot qu’on jette et qui fuit
Ne va pas par bribes fécondes
De l’éther ébranler les ondes
Et dans la genèse des mondes
Mêler aux atomes son bruit ?

Fils de la mère au large ventre,
Tu ne peux éviter ton sort.
Si tout ce qui sort d’elle y rentre,
Ce qui rentre aussitôt ressort.
Va, pauvre homme qui vis en elle,