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LES BLASPHÈMES

Mais l’abeille, allant aux chimères,
N’a puisé dans ces fleurs amères
Que le dégoût.

Rentrée à la ruche, elle songe
Qu’elle n’a trouvé que mensonge
Dans les jardins fanés du ciel ;
Et de son butin inutile
Dans son cœur triste elle distille
Ce triste miel.

Elle avait cru sur leurs paroles
Ceux qui disent que les corolles
Sont pleines de parfums subtils,
Et qu’on peut au fond des calices
Changer en sucs pleins de délices
L’or des pistils.
 
Et joyeuse, se sentant libre,
Elle avait dans l’air bleu qui vibre
Pris l’essor sans peur du péril,
Pour aller voir les fleurs décloses
Et cueillir aux lèvres des roses
L’âme d’Avril.