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LES BLASPHÈMES

Oh ! quel écœurement ! Toujours la même chose,
Toujours le même effet suivant la même cause,
Toujours les mêmes vers dans le même décor,
Et le dégoût de ça ne vous prend pas encor !
Vous savez ce que c’est que cette bacchanale
De la vie, une fête imbécile et banale
Où les masques dansants ont l’air de condamnés,
Où des larmes de deuil coulent sur les faux nez,
Où les moins soucieux et les plus joyeux drilles
S’arrêtent pour bâiller au milieu des quadrilles,
Où l’orchestre est mené par ce maître aux yeux morts,
L’Ennui, le pâle Ennui, qui mêle sans remords
Au chant des violons et des violoncelles,
Aux soupirs des hautbois, aux rires des crécelles,
Aux fanfares d’orgueil des cuivres éclatants,
Le glas funèbre et sourd de l’horloge du Temps ;
Vous savez ce que c’est que ce bal de fantômes
Où l’humanité roule ainsi qu’un tas d’atomes
Tourbillonnant sans but dans un rais de soleil ;
Vous savez qu’aujourd’hui va s’écouler pareil
À ce que fut hier, que demain doit ensuite
Répéter d’aujourd’hui la monotone fuite ;
Vous savez qu’on n’a rien de plus en attendant,
Que tout passe et que rien ne change cependant,
Que ce monde à l’aspect mobile, est immobile ;
Vous savez quels hoquets de spleen, quels flots de bile