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LES BLASPHÈMES

Ou deux dont tu connais la formule et l’emploi,
Pour avoir calculé du fond de ta caverne
La valeur du petit soleil qui nous gouverne,
Pour quelques éléments domptés, tu te sacrais
Vainqueur de la Nature et roi de ses secrets ;
Tu te disais : « Encore un peu de patience !
« Espérons ! l’heure est proche où j’aurai la science
« Complète, où je pourrai faire tout à mon gré
« Et remplacer ce Dieu que j’ai tant dénigré. »
Et voilà que l’on vient t’arracher à tes rêves,
T’affirmer que les Lois éternelles sont brèves,
Et qu’il faut renoncer au fruit de tes travaux
Si longs, à ta foi jeune, à tes espoirs nouveaux ;
On vient souffler sur tes conquêtes merveilleuses
Comme si ces flambeaux n’étaient que des veilleuses ;
On vient effrontément nier tout ton pouvoir,
Te dire que tu crois en Dieu sans le savoir,
Et, pour mettre à néant ta dernière allégresse,
T’enseigner que tout change et que rien ne progresse !
Hélas ! oui, pauvre ami, je ne l’ignore pas,
Le vin de ton erreur a pour toi plus d’appas
Que l’eau claire de ma logique. Tu t’enivres
À l’abreuvoir banal des journaux et des livres
Qui te gonflent avec l’espoir empoisonneur
Que tu vivras demain dans le parfait bonheur.
Ton poète, un écho qui se croit un prophète,