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LES DERNIÈRES IDOLES

Avec leurs murs, leurs tours, leurs dômes et leurs salles,
Qu’on admire au soleil couchant dans les vapeurs,
Et dont l’architecture et les trésors trompeurs
Ne sont pas dans le ciel, mais bien dans nos pensées.
Non, la Vie et la Force au hasard dispensées
N’ont pas besoin qu’on leur suppose le pouvoir
D’une âme. Ce qui est se meut pour se mouvoir.
Mais la marche est sans but ; personne ne la mène.
Tout change, tout devient, car tout est phénomène,
Les Causes et les Lois comme le reste. Au fond,
Sous le cours fugitif des êtres qui se font
Et se défont, sous la figure transitoire
Des rapports exprimés dont les Lois sont l’histoire,
Si quelqu’une paraît vivre éternellement
Et dit : « Je suis la Loi, l’Absolue » elle ment.
Pour faire concorder l’apparence infinie
Du monde, et son aspect momentané qui nie
Cette apparence, il faut en dernier examen
Conclure qu’aujourd’hui, comme hier, comme demain,
Il n’y a que ceci dans le temps et l’espace :
La Matière qui dure et la Forme qui passe.
Ô mon siècle, je sais, tu jettes un coup d’œil
Plein de regrets amers et de larmes de deuil
Sur tes illusions et sur tes découvertes ;
Tu te croyais entré, toutes portes ouvertes,
Au temple défendu d’Isis ; pour une loi