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LES BLASPHÈMES

Tissus de diamants, de saphirs, de rubis,
Tous ces rois dont les rais comme des baïonnettes
Ensanglantent le ventre arrondi des planètes,
Tous ces grands créateurs des éléments divers
Et des forces d’où naît et vit notre univers,
Tout cela cesse d’être encor possible ; l’âme
De cet autre univers nouveau n’est plus la flamme
Qui fond et réunit les atomes épars ;
Maintenant, c’est la nuit, la nuit de toutes parts
S’épaississant tandis qu’à travers l’étendue
Les choses sont en proie à la fuite éperdue,
Les atomes épars évitant le baiser
Par qui leur être joint pourrait s’organiser ;
Dans cette nuit sans fond tout cherche à se dissoudre,
Et le monde n’est plus qu’un tourbillon de poudre.
Eh bien ! dans cet état de choses différent
Que deviennent nos lois ? Quel principe les rend
Nécessaires ? Vraiment il faut n’être pas sage
Pour n’y point reconnaître un aspect de passage,
Et pour trouver un ordre immuable, absolu,
Ayant l’air d’un plan fait et d’un décret voulu,
Dans ce concours fortuit de rapports éphémères.
Non, les effets n’ont pas dans les causes des mères
Qu’un souffle intelligent féconde. L’appareil
Des Causes et des Lois qu’on croit voir est pareil
Aux châteaux merveilleux, aux Babels colossales,