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PROLOGUE

Voilà le poids qui nous accable
Et nous fait choir sur les genoux.
Voilà pourquoi l’âme qui plie
Sent une âpre mélancolie
Au seuil d’une époque abolie
Et d’un nouveau siècle. O penser
Qui la désole et la torture !
Elle voit dans l’heure future
La même inutile aventure
Qu’il faut encor recommencer.

C’est alors qu’on perd tout courage,
Qu’on va dans le spleen s’affaissant,
Ou qu’on s’emporte et qu’on enrage
A se reconnaître impuissant.
Et l’un blasphème et l’autre pleure,
Et, sachant que tout n’est qu’un leurre,
L’homme écoute s’écouler l’heure
Qui tombe à l’éternel égout,
Et, plus stupide qu’une borne,
Immobile, muet et morne,
Devant la vie et ce qui l’orne
II ne sent plus que du dégoût.

Oui, le printemps, le ciel, la rose,
Les oiseaux grisés au réveil,