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LES BLASPHÈMES

Nous quitterions plutôt la terre
Pour chercher ailleurs des clartés.
Ce désir fou si fort nous ronge
Que nous aimons même le songe
Qui dans des lueurs de mensonge
Nous offre une aube de savoir.
O Cause, ô sphinx, ô toi qui mènes
Nos pauvres cervelles humaines,
Sous le tas noir des phénomènes
C’est toi que notre cœur veut voir.

Mais nous avons beau dans l’espace
Tendre nos bras, croiser nos mains,
Croire qu’après le jour qui passe
Viendront de meilleurs lendemains,
Pousser au ciel des cris d’alarmes
Ou le menacer de nos armes,
Ou tenter à force de larmes
D’user sa porte en diamant ;
Vains efforts et peine perdue !
Rien ne répond dans l’étendue,
Et la nuit partout répandue
Toujours nous couvre obstinément.

Et voilà pourquoi l’implacable
Et lourd ennui s’installe en nous.