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LA MORT DES DIEUX

Vous châtrerez vos cœurs de tout vague désir,
Et les bouches en fleur des femmes et des mères
Vous feront oublier le baiser des chimères
Dont la gorge est si loin qu’on ne peut la saisir.

Par le contentement d’une modeste envie,
Renouvelé sans peine et frais chaque matin,
Par l’espoir rapproché facilement atteint,
Vous aurez l’esprit libre et la chair assouvie.

Tout besoin satisfait, tout problème prouvé,
Vous seront des bonheurs possibles et des proies,
Et vous boirez le vin de vos meilleures joies
Dans l’amour qu’on partage et dans le Beau trouvé.

Alors vous n’aurez plus à craindre l’ennui blême,
Les Vouloirs avortés, les Remords étouffants,
Et vous vivrez ainsi que des petits enfants
Sur les genoux de la Nature qui vous aime.

Les angoisses, les vœux stériles d’autrefois,
Les superstitions fantasques et terribles,
Évangiles, Corans, Védas, toutes les Bibles,
Le fatras ancien des Dogmes et des Fois,