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LA MORT DES DIEUX

Le sanglot du blessé, le hoquet du mourant,
Sont autant d’hameçons où leur fureur se prend,
Comme si dans le sang ils cherchaient leur baptême.
Les menaces, les cris féroces d’anathème,
Les psaumes accrochés aux jurons sur les dents,
Les clameurs, les abois, sont des clairons stridents
Qui, parmi les sueurs montant en lourde brume,
Parmi la poudre bleue et qu’un éclair allume,
Poussent un rauque appel sans jamais dire assez.
Ah ! c’est que pour fournir de l’ardeur aux lassés,
Pour redonner du nerf à quiconque s’attarde,
Le Dieu, le Soleil fauve, est là-haut, qui regarde
Ces vaincus sans regrets, ces vainqueurs sans remords,
Ce champ rouge encombré par la moisson des morts ;
Et, quand il voit leur force un instant abattue,
Il leur rugit : assomme ! Et l’écho répond : tue !
Et l’affreux tourbillon, pour consommer ce vœu,
Recommence en hurlant : Dieu le veut ! Dieu le veut !


*



Dieu le veut ! Dieu le veut ! te dis-je.
Et je sens l’attirant vertige
Me remuer.