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LES BLASPHÈMES

L’Hindou, qui le premier dans ce monde arriva,
Dit en le contemplant : Brahma, Vishnou, Siva !
Le Chaldéen pensif, amoureux des étoiles,
Le Phénicien, qui sur la mer ouvrit les voiles,
Son fils Carthaginois, le père d’Annibal,
Ces trouveurs d’alphabets et d’astres disent : Bhal !
Le roide Égyptien aux épaules carrées
Crie Osiris, roi des cryptes démesurées.
Le Perse ne sachant lequel l’emportera
D’Ormuz ou d’Arhiman, les confond en Mithra.
Le Chinois jaune, aux yeux bridés, aux longues queues,
Peint Bouddha blanc au flanc des porcelaines bleues.
Le Noir, dont le patois obscur n’a que cent mots,
Bégaye au Manitou le nom des animaux.
Le Grec au corps parfait, fils d’Orphée et d’Homère,
Crée un Olympe entier pour loger sa chimère.
Le Romain glabre et dur, fils de Mars le soldat.
Met dans son Panthéon quiconque lui céda.
Le Scandinave blond, au teint blanc, aux yeux vagues.
Fait répéter Odin aux longs échos des vagues.
Le Gaulois moustachu dit aux bois ténébreux
Teutatès. Oubliés dans un coin, les Hébreux
Encensent Jéhovah, Sabaoth des armées.
Et voici le chéri des nations charmées,
Jésus, Sabaoth fils, le dernier né des Dieux,
Homme très doux que l’homme a fait très odieux.