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LES BLASPHÈMES

Le brouillard s’en est allé,
Et sur cette morne terre
Gît largement étalé
Un silence solitaire.

Bon soleil, soleil joyeux,
Viens donc ! J’ai perdu ma voie.
Mets ta flamme dans mes yeux !
Où suis-je ? Il faut que j’y voie.

*



Le soleil apparut au bord des pâles cieux.
Mais ce n’était point l’astre aimé, bon et joyeux.
C’était un lourd soleil à la figure rouge
Qui sortait de l’aurore ainsi qu’on sort d’un bouge ;
C’était un Roi-boucher, égorgeur des humains,
Qui sur sa trogne immonde avait passé ses mains
Chaudes de l’abattoir, et dont la marche lente
S’embarrassait aux plis d’une robe sanglante.
Ses rayons n’étaient pas de beaux cheveux d’or roux,
Mais des crins hérissés par un fauve courroux,