Page:Richepin - Les Blasphèmes, 1890.djvu/156

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
146
LES BLASPHÈMES

Était barré par un grand fantôme effroyable.
Sur son arrière-train faisant un saut du diable,
Effaré, renâclant, cabré droit, mon cheval
M’emporta ventre à terre au plus profond du val,
Et parmi les coups drus, martelés et sans nombre
Que son galop roulant précipitait dans l’ombre,
J’entendis le fantôme inconnu me crier :
« Va, va, lâche la bride et tiens bon l’étrier !
Le cheval qui t’emmène a pour nom la Révolte.
Tu vas voir la moisson que le bon Dieu récolte. »

*



Où vais-je ? Depuis longtemps
Je galope, je galope..
Une brume aux plis flottants
De toutes parts m’enveloppe.

Où vais-je ? Je cours, je cours,
Et dans ma tête pesante
Le vent bat de ses tambours
Une marche assourdissante.