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l’apologie du diable.


Encore un peu de temps et vous aurez des ailes,
Et l’on verra voguer vos flottilles dans l’air,
Traînant pour pavillon derrière leurs nacelles
Le serpent d’un éclair.

Oui, Dieu m’a foudroyé ! Mais, pour sa récompense,
Moi, je vous rends heureux, que Dieu le veuille ou non.
Oui, je suis le Malin ! Mais le Malin, je pense,
N’a pas volé son nom.

Oui, je suis l’orgueilleux vaincu ! Mais je me venge
En disant au petit, au pauvre, au mécontent :
Voici mon sang, voici ma chair, prends, bois et mange !
Dieu n’en fait pas autant.

Aussi c’est moi qu’il faut aimer, moi qui vous aime.
Venez à moi, venez, tous les déshérités,
Venez tremper chez moi dans le vin du blasphème
Le pain des vérités.

Venez, redressons-nous de toute notre taille !
Venez, rebâtissons une tour de Babel !
Venez, recommençons ensemble la bataille
De l’orgueil éternel !