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l’apologie du diable.


J’ai réduit à néant tous les décrets du Juge.
Il a voulu noyer la terre, mais en vain ;
Et je me suis servi de l’eau de son déluge
Pour en tirer le vin.

Dieu vous tenait courbés sous la noire ignorance.
Moi, j’ai cherché pour vous les sciences, les arts.
Aux mains des inventeurs mon souffle d’espérance
Fit fleurir les hasards.

Je vous donnai le feu pour dissiper les ombres,
Le fer, l’or, le travail dompté des animaux,
Et je vous enseignai les lettres et les nombres.
L’écriture et les mots.

En vain Dieu vous roulait dans des voiles funèbres
Et vous entortillait d’inextricables nœuds ;
Je défaisais les nœuds, je fendais les ténèbres
De mes doigts lumineux.

Le chercheur, le penseur, le poète, le sage,
Tous ceux qui vous ont dit les causes et les lois,
C’est moi qui leur ai mis cet éclair au visage
Et ce cri dans la voix.