Page:Richepin - Les Blasphèmes, 1890.djvu/141

Cette page a été validée par deux contributeurs.
131
l’apologie du diable.

C’était le plus correct des modernes dandies.
Mais ses yeux roux flambaient comme deux incendies.

*


« Mon cher, fit-il soudain en taquinant le feu
Avec son stick, je crois que vous pensiez à Dieu.
Vous me direz que non, que vous lisiez Lucrèce,
Épicure, et que vous savouriez l’allégresse
De voir qu’ils ont tué les Dieux. Mais, entre nous,
Ne sentez-vous jamais monter dans vos genoux
Un frisson de terreur, quand leur voix révoltée
Dit le ciel vide ?… Bref, êtes-vous bien athée ?
Êtes-vous très certain que Dieu n’existe point ?
Si Dieu n’est rien, pourquoi lui montrez-vous le poing ?
Si ce n’est qu’un brouillard dont votre âme est trompée,
Pourquoi dans ces vapeurs donner des coups d’épée ?
Don Quichotte chargeait, pour frapper un géant,
Sur un moulin ; mais vous, c’est contre le néant
Que vous vous colletez avec l’ombre. C’est drôle.
Si Dieu n’existe pas, vous jouez un sot rôle ;