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la prière de l’athée

Comment peux-tu me voir à genoux sur la pierre,
Les bras tendus vers toi, de sanglots étouffant,
Sans qu’il vienne une larme au pli de ta paupière,
Si je suis ton enfant ?

L’aumône, par pitié ! Ma misère est si grande !
Je ne suis pas méchant. Sois bon. Regarde-moi.
Mon pauvre cœur est plein d’amour et ne demande
Qu’à s’exhaler vers toi.

Mais non ! Voici toujours ton stupide sourire.
Mes injures, mes cris, mes pleurs, sont superflus.
Non, tu ne parles pas ; car tu n’as rien à dire.
Tu n’entends pas non plus.

Donc, après tout, es-tu ? Quand je sonde l’espace,
Au fond de l’infini je crois t’apercevoir.
N’est-ce que le rayon de mon regard qui passe,
Clair sur le gouffre noir ?

Est-ce mon âme à moi qui prête une âme au monde ?
Si je ne pensais plus ce que mon cœur rêva,
T’évanouirais-tu comme un reflet sur l’onde
Quand le soleil s’en va ?