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les blasphèmes

Pourquoi restes-tu là comme un bronze livide
Avec ta lèvre close au sourire moqueur,
Ô face impénétrable, ô simulacre vide
Sans pensée et sans cœur ?

Pourquoi ne dis-tu rien ? Pourquoi sur ton front morne
Ne voit-on même pas un pli, spectre têtu ?
Pourquoi cet air de souche et cet aspect de borne ?
Vieille sourde, entends-tu ?

Si tu ne parles pas, au moins tâche d’entendre.
Laisse-moi, me montrant, si tu veux, ton mépris,
Croire que ton visage amer va se détendre
Et que tu m’as compris.

Pour transformer en foi le doute qui m’accable,
Tu n’as qu’à mettre un oui dans tes yeux épiés.
Tu n’as qu’un signe à faire, et ma haine implacable
Va mourir a tes pieds.

Ô Mystère orgueilleux de tes voiles funèbres,
Quand on se dit un père, il faut l’être en effet.
Comment peux-tu me voir saigner dans les ténèbres,
Si c’est toi qui m’as fait ?