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la prière de l’athée

Des générations de mes frères sans nombre
Ont ployé les genoux pour adorer cette ombre
Qu’ils ont faite vivante ainsi.

Les mystiques Hindous, enfants des forêts vierges
Où les bambous géants et droits ont l’air de cierges
Devant un invisible autel,
Où le grave éléphant jette un barrit sonore
Au matin, comme s’il saluait dans l’aurore
La présence d’un immortel ;

Les Perses enivrés du jour et de la flamme.
Qui sentaient palpiter et resplendir une âme
Dans le soleil, dans le foyer ;
Les Chaldéens à qui l’étoile semblait être
Sur le livre du ciel ténébreux une lettre
D’un grand nom qu’on voit flamboyer ;

L’Égyptien troublé par le regard des bêtes
Et qui donnait aux corps de son rêve des têtes
De taureaux, d’ibis et de chiens ;
Les Pélasges dévots aux cavernes ; la Grèce
Qui faisait sur ses monts rayonner l’allégresse
Sereine des Olympiens ;