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les litanies de la mer


Maison d’or, ô palais regorgeant de richesses,
Ô toi qui nous promets le pain de nos esprits,
Pour le pain de nos corps tu répands tes largesses.

Sans doute il sera beau d’avoir enfin compris ;
Mais pour toucher au but de ce pèlerinage,
Il faut vivre d’abord : l’étape est à ce prix.

Et comment vivons-nous, marcheurs qui d’âge en âge
Allons en nous disant qu’on arrive demain,
Marcheurs infatigués malgré nos fronts en nage ?

Nous vivons de l’aumône offerte à notre main
Par toi, mer charitable, en qui se vivifie
L’air que nous respirons tout le long du chemin.

Par loi, sans qui la terre exsangue, en atrophie,
Ne serait bientôt plus qu’un squelette sans chair,
Par toi qui nous en fais une table servie,

Maison d’or dont le maître au pauvre n’est pas fier
Où les grains prodigués sont à qui les picore,
Et grande ouverte à tous sous ton vitrage clair.

Et nul ne sait pourtant quelle splendeur décore
Les creux inexplorés où tes gouffres roulants,
Qui donnent tant de biens, en cachent plus encore,

Maison d’or où depuis des mille et des mille ans,
Entraînant le meilleur du sol, tombent les fleuves.
Maison d’or où s’exhausse en monceaux opulents