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les litanies de la mer


Alors d’une voix forte et sans jamais me taire,
Prêtre, aède exalté, j’aurais chanté le los
De ta religion, jeunesse de la terre.

Vase rempli des dons du Saint-Esprit, ô flots,
Flots de l’abîme sur lesquels, dit la Genèse,
Était porté, devant que rien ne fût éclos.

L’esprit de Dieu ! Flots noirs où roulait à son aise
Le chaos dont ce globe allait sortir vivant,
Statue informe encor, bronze dans la fournaise.

Vase, ce saint Esprit, ce Dieu, n’étaient que vent.
Ce qui te remplissait à cette heure, ô fantôme,
C’est ce qui te remplit toujours, après, avant.

De toute éternité, conclusion, symptôme ;
Le rut des éléments en marche vers le rien
Se cherchant dans la nuit pour engendrer l’atome.

Vase d’honneur, nombril du monde assyrien,
Où l’antique Oannès, dieu-poisson, se révèle,
Créant tout, de ses yeux l’espace aérien,

La terre de son cœur, le ciel de sa cervelle,
Mais ne le créant pas, toi son prédécesseur.
En qui lui-même il rentre et prend forme nouvelle.

Vase insigne, versant la paix et la douceur,
Vase aux parois d’argent, aux fines ciselures,
Et dont la lèvre pour la nôtre est une sœur,