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les litanies de la mer


Couche d’Aldébaran et lit de Bételgeuse,
Mère admirable dont le giron complaisant
Unit ce voyageur et cette voyageuse !

Mère admirable et qui de ton cœur fais présent
Aussi bien aux petits, aux humbles, qu’aux étoiles,
Et qui ne t’appauvris jamais en le faisant,

Mère aux seins toujours pleins, toujours nus et sans voile ;
Où plantes, animaux, hommes, tous nous suçons
L’intarissable lait qui réjouit nos moelles.

Vierge vénérable, oh ! chère à tes nourrissons,
Bonne aïeule par qui notre terre est bercée
Aux ronrons endormeurs de lointaines chansons !

Plus vénérable encor depuis que la pensée
A mieux su ta grandeur en sondant tes secrets,
En apprenant comment par toi fut dispensée

L’originelle vie alors qu’en tes retraits
Bouillait obscurément le plus antique germe
Gros de tous les futurs épanouis après ;

Toi qui marques notre heure, au début comme au terme ;
Car le cycle complet des terrestres instants,
S’il fut ouvert par toi, c’est par toi qu’il se ferme ;

Toi qui connus le globe encor sans habitants,
Et qui le reverras sans un animalcule,
Dépouillé de ses bois, les membres grelottants,