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les grandes chansons

Grand Magnificat physique,
Que leurs cris soient la musique
Dont l’homme écrira les mots !

*


Hélas ! nous aurions beau dans cet hymne superbe
Allumer tous les feux des diamants du verbe,
Y brûler tout l’encens de tous ses encensoirs,
Y prodiguer les fleurs des matins et des soirs,
Y mêler tous les bruits avec tous les murmures,
Depuis les sons furtifs glissant sous les ramures
Qui se content tout bas des contes divaguants,
Jusqu’aux rugissements rauques des ouragans,
Y faire s’envoler sur l’aile du vocable
L’ode expliquant dans un éclair l’inexplicable,
Y fondre en symphonie aux magiques accords
Tous les soupirs de l’âme et tous les cris du corps,
Tout ce qui vibre enfin, et palpite, et s’exprime
Aux incantations du rhythme et de la rime,
Ô mer, nous aurions beau de cet hymne savant
Enfler l’orchestre avec tous les cuivres du vent,
Les cors des brises, les buccins aquilonaires,
Et les tambours et les cymbales des tonnerres,
Et les hautbois des bois, les flûtes des vallons,
Les harpes de l’espace, et tous les violons
Qu’un invisible archet fait pleurer sur les grèves,
Ô mer, nous aurions beau dans le plus fou des rêves
Avec tout le possible et l’impossible aussi
Essayer à pleins cœurs de te chanter ainsi,