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les grandes chansons

De toutes les créatures
Pour mêler à leurs pâtures
Cette âme des flots, le sel.

C’est par atavisme encore
Que dans l’œuf, où s’édulcore
Le mucus, tous les têtards,
Tous, et même aussi le nôtre,
Revivent l’un après l’autre
Leurs liquides avatars.

Dans le sein de notre mère,
Chaque passage éphémère
Où, fœtus, nous nous formons
Représente un des passages
Que connut aux anciens âges
Notre être dans les limons.

Ainsi tous, tant que nous sommes,
Les bêtes comme les hommes
Nous rendons à notre insu
Inconscient témoignage
Aux sources de ce lignage
Qui de la mer est issu.

Chantons donc la mer chérie,
Chantons tous notre patrie,
Notre nid, notre grenier !
Chantons d’un chœur unanime,
Tous, jusqu’à l’être anonyme,
Tous, du premier au dernier !