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les grandes chansons


Partis des atomes infimes
Pour gravir jusqu’à ces hauteurs,
C’est donc nous-mêmes qui nous fîmes,
Et nous sommes nos créateurs !

*


Mais que l’humanité triomphatrice,
Se rappelant ainsi ses premiers pas,
Sache bien que la mer fut sa matrice.

En nous glorifiant n’oublions pas
Que notre apothéose est née en elle.
Homme victorieux, ver qui rampas,

Souviens-toi, papillon, malgré ton aile,
D’avoir été chenille, et dans tes chants
Mets toujours la mer sainte et maternelle !

N’accuse point ses flots d’être méchants,
Et parce qu’autrefois sous les déluges
Ils ont enseveli tes murs, tes champs,

N’exile pas loin d’eux tes pas transfuges.
Aime-les. Reste auprès de ton berceau.
Quoi ! la mer est ta mère, et tu la juges !

Mais, comme à ton aïeul le vermisseau,
Elle t’est toujours bonne et nécessaire.
Ton présent, ton futur, portent son sceau.