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la mer

Il se nourrit, respire, et marche et se contracte,
Et multiplie, et c’est de la matière en acte.
Sous le plus simple aspect, sans créments superflus.
C’est du protoplasma vivant, et rien de plus.
Qu’un fragment de ce corps s’en détache, et que l’onde
En transporte autre part la bribe vagabonde,
À ce nouveau milieu cet obscur ouvrier
D’une forme nouvelle ira s’approprier.
D’amorphe il deviendra fini. C’est une sphère.
De ce rien qu’il était, déjà comme il diffère !
Il évolue encor, se centre, en même temps
Allonge autour de lui des filaments flottants.
Sont-ce des membres ? Oui. Mieux, même : des organes.
Et la vie à présent avec tous ses arcanes
Peut s’épandre, grandir, se différencier,
Et, partant de cet humble et vague devancier,
Racine d’où jaillit l’arbre de nos ancêtres,
Gravir tous les degrés de l’échelle des êtres.
Ô vie, ô flot montant et grondant, je te vois
Produire l’animal, plante et bête à la fois,
Te transformer sans fin depuis ces anciens types,
Devenir l’infusoire, entrer dans les polypes,
Monter toujours, des corps multiplier l’essaim.
Être, sans t’y fixer, l’astérie et l’oursin,
Pétrifiée un temps au lis de l’encrinite,
Repartir en nautile, évoquer l’ammonite.
Et du céphalopode évoluer devers
L’innombrable tribu d’anélides des vers.
Monter toujours, sans faire un seul pas inutile,
Jusqu’au plésiosaure engendré du reptile,