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la mer

Comme un vieux qui gravit les monts ;
Et le lecteur encor plus pâle
Bégaie, éperdu, dans un râle :
Que veut donc ce fou qui vous hale,
Algues, varechs et goëmons ?

Pour voir des peintures pareilles.
Pour ouïr de semblables cris,
On n’a plus les yeux, les oreilles
Qui conviennent, ni les esprits.
Qui tenterait cette épopée,
Sa vaillance serait trompée,
Ses vers resteraient incompris,
Et ses audaces téméraires
Ne récolteraient chez ses frères.
Au lieu de mots thuriféraires,
Que sourires et que mépris.

À quoi bon les chansons sublimes
Si l’on chante dans des caveaux ?
Il faut les poinçons et les limes,
Mais non le souffle, à nos travaux.
Poëte qui te sens des ailes,
Modère l’élan de tes zèles,
Rentre sous les communs niveaux,
Lamentable Orphée en délire
Qui veux toucher la grande lyre
Et pour auditeurs dois élire.
En place de tigres, des veaux !