Page:Richepin - La Mer, 1894.djvu/300

Cette page a été validée par deux contributeurs.
286
la mer

L’essaim des dragons leurs jumeaux.
Monstres dont la fable est l’empire.
Mêlant serpent, lézard, vampire,
Spectres devant lesquels expire
Le pouvoir magique des mots.

Je dirai vos plus vieilles races
Dont s’échevelèrent les crins
Sans laisser l’ombre de leurs traces
À l’écran des sols sous-marins,
Les éteintes, les disparues,
Que les sédiments sous leurs crues
Ensevelirent brins à brins,
Celles dont fleurit le mystère
Aux temps limbiques où la terre
Au-dessus de l’eau solitaire
N’avait pas fait saillir ses reins.

Je dirai qu’en montant aux causes
Et vers l’originel instant,
À travers les métempsychoses
Du globe encor inconsistant,
C’est vous qu’on trouve les premières
Buvant les chaleurs, les lumières,
Pour faire un corps vibrant, sentant,
Et qu’ainsi sous votre figure
Végétale, animée, obscure,
D’abord se fixe et s’inaugure
L’être jusques alors latent.