Page:Richepin - La Mer, 1894.djvu/289

Cette page a été validée par deux contributeurs.
273
les grandes chansons

V

LES MONSTRES


Devant l’homme malingre, aux étroites épaules,
Au grand cœur, le troupeau des vastes cétacés
S’enfuit, et peu à peu de partout pourchassés,
Voici que les derniers se cachent près des pôles.

Encore un peu de temps, et l’on ne verra plus
Ces grands rois de la mer, cachalot et haleine.
Dont le corps semble une île, et qui pour prendre haleine
Font jaillir de leur front deux jets d’eau chevelus.

Premiers rêves rêvés par l’antique Nature.
Bientôt ils rentreront en elle, évanouis,
Et leurs corps disparus aux contours inouïs
Seront une chimère à la race future.