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la mer

XI

LES SARDINIÈRES


La sardine est jolie en arrivant à l’air
Comme un couteau d’argent où s’allume un éclair ;
Et de cet argent-là faisant des sous de cuivre,
Les pauvres gens auront quelque temps de quoi vivre.
Mais pour aller la prendre il faut avoir le nez
Bougrement plein de poils, et de poils goudronnés ;
Car la gueldre et la rogue avec quoi l’on arrose
Les seines qu’on lui tend, ne fleurent point la rose.
Gueldre, lisez mortier de crevettes, pas frais.
Mais confit dans son jus et pourri tout exprès.
Rogue, lisez boyaux de morue en compote,
Salés, mais corrompus. Et l’on s’en galipote,
Quand on veut bien parer l’amorce de rigueur,
Les dix doigts jusqu’au coude et le nez jusqu’au cœur.
N’empêche que la pêche en juin ne soit plaisante !
Rien de plus fin que la sardine agonisante