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les gas


Quand ils en sortent, les matins,
Alors que le soleil appuie
Ses pieds d’or sur de verts satins,
Eux, qu’en vain sa lumière essuie,
Avec leur crasse aux tons de suie
Où le jour plaque des étains,
Mal débarbouillés par la pluie
Ils ont l’air de nègres déteints.

De quoi ça s’habille ? De loques.
Fonds de culottes sans mollets,
Pan de veste qui t’effiloques,
Bourgerons veufs de vos collets,
Chapeau roux qui te décollais,
Cuirs débouillis gonflés de cloques,
De vous il se font des complets
Où leur morve met des breloques.

De quoi ça vit ? De noirs écots
Savoureux à leur faim qui dure :
Vagues détritus de fricots
Mijotés dans les tas d’ordure,
Trognons de choux, brins de verdure.
Mélancoliques haricots,
Bouts de pain dont la croûte dure
Ébrèche leurs derniers chicots.

Par-ci par-là, jours de fortune,
D’un pêcheur ils ont des poissons.
Ou bien, guettant l’heure opportune
Où nous, étrangers, nous passons,