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la mer

IX

LE CHALUT


Encore un tour au treuil ! Hardi ! Du jus de bras !
V’là le fer du chalut qui sort son nez au ras.
Encore un tour ! Il va saillir hors de la tasse.
Et la chausse ne m’a pas l’air d’une tétasse,
Hein, les gas ? Ça vous souque aux poignes. Le filin
Se tend raide à péter. Bon signe que c’est plein !
Le chalut en effet monte au bout de la drisse,
Plein et lourd, gonflé rond comme un sein de nourrice.
Un moment, au-dessus du pont, en globe il pend.
Largue tout ! Et ce lait de poissons se répand,
Pêle-mêle de sauts, de couleurs, d’étincelles.
Est-ce toi, l’arc-en-ciel en morceaux, qui ruisselles ?
On le dirait, de vrai. Comment avec des mots
Peindre ces tons, ces fleurs, ces pierres, ces émaux.
Cette chair miroitante en fouillis de lumières,
Et ces splendeurs aux yeux des marins coutumières,