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la mer


Tout à coup, un grand silence !
Plus rien au vert promenoir.
Dans l’azur un fer de lance
Creuse un sinistre entonnoir.
Le pétrel alors s’élance,
Crie, un moment se balance,
Puis cingle droit au trou noir.

Seul dans l’étendue immense
Il aime à humer ce vent.
Il en a l’accoutumance.
Il l’appelle en le bravant.
Et la bataille commence
Entre l’orage en démence
Et lui qui vole au devant.

L’orage comme une boule
Le roule sans le saisir.
Dans ses doigts il glisse, il coule,
Il passe, il joue à loisir ;
Et de la céleste houle,
D’espace, d’air, il se soûle,
Le bec claquant de plaisir.

Ô pétrel, loin du rivage
Où nous gisons dans la paix,
Loin de ce lâche esclavage,
Loin de ce sommeil épais,