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marines


Quel jour bizarre ! On dirait
Qu’on est au pays secret
Inconnu même des rennes,
Où l’effluve sans chaleur
Colore seul la pâleur
Des nuits hyperboréennes.

Dans l’air obscur et glacé
Voici qu’un vol a passé,
Oiseaux du nord, lummes, grèbes,
Dont les bras battant les flancs
Sèment tous ces œillets blancs
Cueillis dans les blancs Érèbes.

Oui, c’est le pôle ! On s’y croit.
L’enfer sombre, l’enfer froid.
Aux aurores magnétiques.
L’enfer blême où l’on attend
Les banquises cahotant
Leurs défilés fantastiques ;

Car sous ce voile épaissi
Il semble qu’on voie aussi.
Comme aux horizons polaires
Voguer sur l’écran des cieux
Les glaçons silencieux
En flottes crépusculaires.