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gueux des champs


Si nous pensons aux soins que prend d’eux la nature,
C’est pour nous figurer qu’à nous, ses Benjamins,
Comme une ménagère apprêtant la pâture
Elle veut les offrir engraissés par ses mains.

Mais quant au peuple obscur des petits, des insectes,
Qu’elle les aime ou non, nul ne veut le savoir.
Poussière d’avortons nés de larves infectes,
Nous les méprisons trop pour chercher à les voir.

Or, comme je rêvais ainsi, couché dans l’herbe,
Voulant que de moi seul la nature eût souci,
Tandis que je cuvais le vin de ma superbe,
Une petite voix m’a bourdonné ceci :

*

————Es-tu poète ? Mets ensemble
————Le plus clair cristal, qui te semble
——————Un pleur du ciel,
————L’opale dont l’éclat se gaze
————Sous un lait trouble, la topaze
——————Couleur de miel,

————L’émeraude qui dans sa flamme
————A l’air de faire brûler l’âme
——————Du printemps vert,
————L’escarboucle de sang trempée
————Pareille à la goutte échappée
——————D’un cœur ouvert,