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nous autres gueux


Et d’un pas digne et philosophe
Ils se promènent bravement,
Mouchoirs humains de mince étoffe
Trempés des pleurs du firmament.

Leurs poches vides sur leurs cuisses
Ont beau prendre l’air par les trous,
Ils vont, fumant comme des Suisses,
Gesticulant comme des fous.

Ce sont des rêveurs, des poètes,
Des peintres, des musiciens,
Des gueux, un tas de jeunes têtes
Sous des chapeaux très anciens.

Au fond de vagues brasseries
Ils ont bu tout le soir à l’œil.
Aussi leurs âmes sont fleuries
De vert espoir, de rouge orgueil.

« Nous savons bien ce que nous sommes,
Notre avenir n’est pas suspect ! »
Et ces pauvres futurs grands hommes
Se parlent d’eux avec respect.

L’un refondra la poésie,
Et du moule de son cerveau
Dans le ciel de sa fantaisie
Fera jaillir l’astre nouveau ;