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XIX
préface

somme, de la liberté de l’Art. Au premier abord, il va paraître ambitieux et ridicule que je soulève des mots aussi lourds pour défendre une chose aussi légère qu’un recueil de poèmes plus ou moins bons. Mon livre vaut-il donc la peine d’une dissertation en règle ? Je crois que oui : sinon à cause du livre en lui-même, du moins à cause de tous les écrivains qui sont intéressés à mon procès et dont je revendique les droits en parlant des miens.

On a défendu Baudelaire et Flaubert, comme on m’a défendu, avec de pitoyables arguments, en essayant de prouver que l’œuvre incriminée n’était pas immorale autant que cela, en discutant pied à pied le style et l’inspiration, en s’appuyant sur l’autorité de modèles illustres, en élucidant la pensée de l’auteur, en plaidant comme qui dirait les circonstances atténuantes, et je me suis moi-même laissé tout à l’heure entraîner à ce honteux système. C’est la plus mauvaise façon de nous sauver. À suivre l’accusation sur ce terrain de chicanes et d’arguties, on reconnaît qu’elle a le droit de se produire. Or, ce droit, précisément, il faut le nier, et je le nie !

Je proteste de toutes mes forces contre cette absurdité ; la Justice contrôlant la Littérature, L’Art est