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XVII
préface

volontaire qui pourra être répugnant, hideux, odieux, abominable, mais qui reste grand quand même, et d’une grandeur superbe, puisque tout son être a poussé l’héroïque cri de guerre de Tacite : Malo periculosam libertatem.

Periculosam, ô braves gueux ! Periculosam, entendez-vous, messieurs les heureux du monde, vous tous qui avez la pâtée et la niche, et aussi le collier ! Ai-je donc commis un si grand crime, d’avoir montré la poésie brutale de ces aventureux, de ces hardis, de ces enfants en révolte, à qui la société presque toujours fut marâtre, et qui, ne trouvant pas de lait à la mamelle de la mauvaise nourrice, mordent à même la chair pour calmer leur faim ?

Mais cette révolte, je ne l’ai seulement pas exprimée ; cet amour que j’ai pour eux, je me suis gardé de le dire. Je sentais que cela pourrait effrayer, et je me suis tu. Je me suis contenté de faire vivre mes misérables, avec tous leurs vices, toutes leurs hontes, sans rien cacher, sans plaider pour, et il faut croire que c’était encore trop, puisqu’on m’en a puni. Leurs chansons d’ivrogne, leurs réflexions de gredin, leur vagabondage de fainéant, leur allure débraillée, leurs gaietés immondes, jusqu’à leurs inten-