Afin d’égorger ma peine,
Prends ma poitrine pour gaîne,
Poignard de soleil.
Le vin glousse une romance
Dans les longs goulots.
Les flacons à large panse
Versent des sanglots.
Le flot chantant diminue.
La bouteille toute nue
Va tomber en pamoison ;
Et dans ce cristal splendide,
Comme moi sonore et vide,
Dort notre raison.
Tiens ! je bois. Passez, muscade !
Toi, les doigts tremblants,
Ton vin fuit et fait cascade
Entre tes seins blancs.
Comme il s’éparpille en route !
Au tétin rose une goutte
Forme un rubis rouge et clair.
Flacon qu’un joyau décore,
Je veux mordre et mordre encore
Ton goulot de chair.
Comme des bœufs à l’étable
Laissant choir nos fronts,
Mignonne, entrons sous la table ;
Nous y dormirons.
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la chanson des gueux