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VII
préface

un acharnement quelconque à me poursuivre ? Pas du tout. Ils n’avaient pas même lu, sans doute, ce livre de vers, ayant beaucoup trop de besognes sur les bras, et de trop graves besognes, pour s’aller distraire aux folies sonores de ma chanson. Mais voici que les journaux mordent ce livre, et un concert d’abois s’élève, depuis les jappements en fausset, jusqu’au hognement féroce du gros mâtin, chien de garde de la vertu, qui s’écrie que j’ai commis une mauvaise action. La foule s’amasse au bruit. — Qu’y a-t-il ? — Quoi ? — Qu’est-ce ? — C’est un ivrogne qui insulte le bon goût, un cynique qui outrage les bonnes mœurs. —— À la garde ! À la garde ! — Et la garde est venue. Est-ce sa faute ? Non. C’est la faute des imbéciles qui ont crié. C’est la faute des roquets qui ont donné de la voix. C’est la faute surtout du dénonciateur qui a le premier montré du doigt mon livre, et qui, en déclarant sa pudeur indignée, m’a désigné comme impudique.

La presse a la prétention et la réputation de représenter l’opinion publique. Conclusion fatale pour moi : l’opinion publique était révoltée. Étant révoltée, il la fallait apaiser. Comment l’apaiser, sinon sur mon dos ? Enchaînement logique des faits : on dut me tra-